Un sifflement strident. Le sas de la navette EP-01 s’ouvrit sur un ciel d’étoiles immobiles. Quatre silhouettes empâtées de combinaisons gris perle s’avancèrent dans l’ouverture. Maya leva la tête vers l’encre du vide et inspira profondément. Elle ne gonflait pas ses poumons. Elle s’emplissait de l’océan noir au-dessus d’elle. L’instant où tout s’efface. Le désarrimage du vaisseau. Le pilotage euphorique d’Ezia à travers les débris gelés d’une comète. Le rire de Faris, immensément calme, totalement satisfait. Le rire d’exploration.
Dissous dans l’immense.
Pourquoi au fond ? Pourquoi s’épuiser à ces images ? Pourquoi ne pas annuler
« Maya. »
La chaleur à travers le gant d’Ezia. Ses pupilles brunes, le sourire. La réalité s’organisa. Les contours du paysage désertique se redessinèrent. Ainsi que les autres. Faris avait déjà débarqué et sautillait sur place. D’après ses mouvements, la gravité semblait tout à fait acceptable. Un brin plus léger que ce que Maya avait anticipé, mais dans une marge d’erreur correcte. Atis à son tour dévala l’échelle. À grandes enjambées silencieuses, il rejoignit une hauteur rocheuse qui dissimulait le reste du paysage à leurs regards. Une fois qu’il en eut atteint le sommet, la voix d’un môme de douze ans emplit le système audio des explorateurs.
« Venez ! Venez voir ! »
Lentement, laborieusement, Maya quitta l’abri de métal pour le sol. Une pierre lisse, polie par des vents inexistants, des pas fictifs. Le sol d’une cathédrale millénaire. Était-ce pour cela que chaque mètre lui semblait si difficile à parcourir ?
Quant elle parvint à la hauteur de son Capitaine, cependant, toute trace de lassitude quitta ses membres, pulvérisée par le spectacle qui s’offrait à ses yeux.
L’escarpement sur lequel ils se tenaient se prolongeait en une pente douce qui rejoignait un plateau d’une dizaine de kilomètres.
Et transperçant l’armure minérale, les cristaux. Innombrables.
Ils étaient de toutes tailles, les plus massifs dépassant plusieurs fois en taille l’EP-01. Leurs flèches s’étendaient vers le Néant, l’habitant d’une lueur bleutée. La lumière ondoyait doucement, comme soumise aux lois d’une marée invisible, s’étendant dans l’air, puis refluant vers leur source d’origine.
« On dirait qu’ils vibrent, non ? murmura Faris qui pianotait à toute vitesse sur son terminal, malgré les gants épais qui entravaient ses mouvements.
– Et ils émettent de la lumière, enchaîna la jeune femme. Ce qui suppose une source d’énergie. Non. Non, ils sont la source d’énergie.
– Le catalyseur, plutôt, reprit le journaliste. Tu ne crois pas qu’ils la…
– Stockent ? C’est tout à fait possible. Mais dans quel but ?
– À toi de me le dire. Et ensuite je te volerai ta découverte et je la vendrai à un prix prohibitif à l’une de ces revues scientifiques prétentieuses que personne ne lit jamais.
– Question ! »
La conversation s’interrompit aussitôt, tandis Atis s’arrachait à sa contemplation béate du paysage. Ezia s’était hissée sur l’un des gigantesques cristaux, et baissait sur eux un regard intense. Son doigt levé dessinait des cercles dans le vide.
« Deux point deux. Deuxième planète d’un système de soleils jumeaux. Gravité normale, pas d’atmosphère. Pas d’eau, bien sûr. Donc pas de végétation. Pas grand intérêt, le rocher sur lequel vous marchez, c’est du granit, ou presque. Sauf qu’il n’est même pas radioactif. Alors question ! Pourquoi vous ai-je amené ici ? Vous avez trois jours. »
Maya déglutit. Trois jours. Deux de moins que la dernière fois.
« Si ça n’est pas le sol, ça concerne forcément les cristaux. » Atis avait sur le visage un rictus de sale gosse.
Du haut du perchoir lumineux, un sourire.
« Bien essayé. Mais tu connais les règles.
– Oui. Donc j’attends notre point de départ.
– Évidemment : à huit kilomètres d’ici, il y a une grotte. Il va falloir marcher, les roues du module ne survivraient pas aux éclats de cristaux. »
Il n’y avait plus rien à dire. Ezia se laissa glisser au sol avant de s’éloigner de quelques pas. Le cliquetis du terminal reprit. La voix de Faris n’avait pas perdu le moindre trace d’enthousiasme.
« Trois jours. Jour un : on explore cette grotte, on la retourne, on résout. Jour deux : on programme la graine, on l’implante. Jour trois : apparemment, il y a un spa dans les quartiers de Reinhilde. Ça vous convient ?
– Parfait. Et un épisode spa nous permettrait de répondre à la grande question te concernant. »
Faris fit mine de lancer son terminal au visage du Capitaine qui s’abrita derrière un cristal en riant.
« Agression d’un supérieur ! Quand l’armée se reformera, ça ira chercher loin !
– Je suis dans le civil ! Je m’en tirerai juste avec un meurtre !
– Il manque quelque chose… »
Les deux officiers se tournèrent vers Maya qui se tenait au bord d’une crevasse, les pieds solidement ancrés dans la pierre.. La jeune femme observait la lande, les yeux écarquillés. Aux plateaux irridescents, se superposait désormais l’énigme qu’Ezia lui avait planté dans la cervelle. Les éléments dont elle disposait s’agglutinèrent, renvoyés à leurs contours primordiaux. Frisson. L’inconnue dans l’équation lui passa sous la peau, chassant le malaise qui lui sourdait aux tempes depuis qu’ils avaient atteint Deux point deux. Il n’était plus temps. Ni de se demander pourquoi la nausée, pourquoi l’impression que ses souvenirs s’enfuyaient en tourbillonnant à contre-sens. Pourquoi le corps de plomb. L’incohérence soignait de tout. Recentrait. Maya était désormais l’axe autour duquel gravitait l’équipage de l’Ezia Polaris.
« Tu es sur quelque chose, Maya.
– Une intuition, Capitaine. J’ai besoin de faits pour la corroborer. »
Le jeune homme s’inclina, sans la moindre trace d’affectation.
« Alors allons chercher de quoi corroborer. »
Le petit groupe se mit en route dans la direction qu’on leur avait indiqué. Avec, comme à chaque fois, une incroyable fluidité. Les quatre silhouettes dévoraient la distance, tandis que la paroi rocheuse vers laquelle ils se dirigeaient grossissait à vue d’oeil. Maya chercha du coin de l’oeil le responsable de l’habituel miracle. Atis avait commencé par fermer la marche ; il se déplaçait à présent vers l’avant du petit groupe. Comme à l’accoutumée, il avait filé dans les pas de ses compagnons une pulsation imperceptible. Chacun avait la sensation de marcher à son rythme : tous progressaient exactement à la même allure.
« Un sacré type, quand même. »
Lorsque Maya lui avait demandé d’où il tenait ce talent, le jeune homme s’était contenté de hausser les épaules.
« J’en sais rien. Je fais de la musique, sur Terre. Ça doit aider. Ou alors, ça vient peut-être de mon boulot d’avant.
– Que faisiez-vous, avant ?
– En voilà une question. Que faisais-tu avant, Maya ?
– J’étais doctorante en ingénierie assistée par intelligence artificielle.
– C’est peu commun, comme cursus. Qu’est-ce qui t’a amené à te lancer là-dedans ?
Il y avait dans les yeux clairs d’Atis une curiosité tellement sincère qu’elle s’était sentie obligée de répondre, malgré son habituel dédain des conventions sociales. Et sa propre question était restée sans réponse.
« Il avait raison. Il doit rester le Capitaine avant tout. Celui qui donne le rythme. »
En écho aux pas des marcheurs, les systèmes d’audition s’emplirent d’un son d’une pureté insensée qui semblait se propager directement jusqu’à leurs tympans : Ezia heurtait délicatement deux cristaux l’un contre l’autre. Selon l’angle et la force de l’impact, la voix minérale s’amplifiait, se déformait en pulsations erratiques, emplissant le vide de filaments invisibles. Il y avait des formes géométriques et les lignes de force d’un paysage que Maya était certaine d’avoir déjà observé du coin de l’oeil. Un dernier coup et le cocon musical éclata en un millier de particules aveugles. Ezia secoua la tête. Elle n’avait pas lâché les deux fragments d’azur.
« Ce n’était pas prévu, murmura-t-elle. C’est pour ça que j’aime tellement voyager avec vous. »
*
* *
« Ces nouilles chinoises sont absolument dégueulasses, maugréa Lugh en glissant son ongle dans l’encoche d’ouverture d’une boîte en carton qu’il venait de retirer du four.
– Tu m’expliques pourquoi tu en es à ta troisième assiette ?
– Personne ne les bouffe sinon. »
Les pâtes de riz reconstitué glissèrent sur la faïence. Un petit bruit triste. Lugh saisit sa fourchette et se mit à les engloutir avec dégoût, sous le regard incrédule de sa camarade. Depuis le départ de l’expédition, l’officier scientifique s’était montré d’une humeur exécrable. Rien d’inhabituel. Elle avait rapidement compris que c’était sa façon de réclamer de l’attention. Il suffisait de s’extasier devant l’importance de son rôle dans le vaisseau pour que les nuages se dissipent. En trois ans, le système avait fonctionné comme une horloge, jusqu’à aujourd’hui. Brennan avait équipé les quatre membres de l’expédition sans un mot et s’était ensuite retiré dans l’infirmerie. L’équipe se connaissait depuis suffisamment longtemps pour se dispenser de politesse stériles mais l’exploration d’une planète était un événement suffisamment exceptionnel pour qu’un rituel ait été établi. « Même si ce n’est arrivé qu’une seule fois. » souffla une voix moqueuse aux oreilles de Reinhilde.
Il n’y avait pas eu de mots. C’était arrivé comme ça. Faris s’était levée avant tous les autres et avait préparé le café – qui, une fois n’est pas coutume, avait été pris directement dans la cuisine – tandis que Reinhilde avait lancé « Let’s face the music and dance ». Pierre s’était précipité pour régler les basses de la sono d’un air réprobateur. Lugh, était entré à son tour pour allumer la première phrase de la journée. Le petit tison de mots avait doucement pris, tandis que Maya établissait la marche à suivre de la journée, frottement des doigts sur l’écran. Atis et Ezia n’étaient arrivés qu’à la deuxième tasse, une brassée de fleurs à la main, une conversation déjà bien avancée aux lèvres.
C’est comme ça que ça c’était passé. Et ça serait toujours ainsi.
Mais non.
D’abord, Pierre n’était plus là. « Tu penses souvent à Pierre ? Ferme-là. ». Lugh était déjà attablé quand Faris s’était réveillé, et n’avait pas décroché un mot de tout le petit déjeuner. Le bouquet, dont il avait pris un soin jaloux la première fois, dépérissait sur un coin de l’évier.
Excédée, Reinhilde se leva et fourra les fleurs dans l’un des vases alignés le long de la table. Une pluie de pétales se détacha tandis que les tiges s’affaissaient lamentablement.
« Il aurait fallu couper les bouts, marmonna Lugh entre deux bouchées.
– C’est toi qui l’expert.
– Ouais.
– Bon. Allons-y. C’est quoi ton problème, aujourd’hui ?
– Pardon ? »
Le pilote pencha son mètre quatre-vingt-dix vers l’adolescent renfrogné de trente ans avec qui elle allait devoir passer les prochains jours en tête à tête :
« Je ne sais pas si tu as bien compris ce qui se passe. On est peut-être en train de sauver le monde, en ce moment. Il y a des gens avec qui tu vis depuis des années qui risquent leur vie. Et toi, tu boudes. »
Reinhilde sentit sa mâchoire se serrer devant le haussement de sourcils en face d’elle.
« Oh, je suis désolé. J’étais assez enthousiaste ? Pas assez esprit d’équipe peut-être ? Je suis désolé ! Il va falloir bien consigner ça dans le journal de bord !
– Mais qu’est-ce qui te prend ?
– Ce qui me prend ? Ce qui me prend ? »
Lugh sauta à bas de son tabouret et prit une longue inspiration. Deux. Quelques syllabes se heurtèrent au coin des lèvres. Et puis, comme en désespoir de cause, Lugh se mit à glousser. De plus en plus fort, jusqu’à ce que son rire envahisse la cuisine. Rire n’était qu’un pis-aller pour décrire ce qui lui sortait de la gorge. Les spasmes soulevaient la poitrine de l’officier scientifique, produisant une suite de sons stridents et monocordes. Quelque chose bougea dans les cheveux de Reinhilde. Huit pattes arachnides crispées. Même les processeurs de LaFay percevaient l’anomalie. Et la crise d’hilarité ne semblait pas devoir s’arrêter. Les éclats rebondirent contre les murs carrelés, diffractant la dissonance. Tant que dura le souffle. Puis, petit à petit, les poumons cédèrent. Le rire reflua, et se résorba en des inspirations saccadées.
« Il va falloir que tu m’expliques. Sinon je vais devoir te suspendre. Je n’ai pas le temps pour une crise de nerfs. »
La poitrine de l’officier scientifique s’abaissa en tremblant.
« Je t’explique. Facile. Les caméras.
– Pardon ?
– Les caméras de surveillance. Hier soir dans les quartiers de Maya. Entre le onzième et le douzième battements. On regarde. Ça suffira. »
Reinhilde ne cilla pas.
« Tu es débile ou quoi ? Même si c’était légal, comment veux-tu que les caméras fonctionnent dans nos quartiers ?
– Je me fous que ce soit pas légal ! »
Le poing de Lugh s’abattit violemment sur la table. L’assiette qui y était posée bascula sur le sol, se vidant de son contenu.
« Qu’est-ce que tu as fait à Maya hier soir ?
– Qu’est-ce que tu racontes ?
– Hier. Tu étais dans la chambre de Maya avec Ezia. Qu’est-ce que vous lui avez fait ?
– Lugh, je te jure que ta suspension est à ça. Je n’ai jamais mis les pieds dans la chambre de Maya. S’il y a un tabou sur ce vaisseau, c’est celui-là.
– Active les caméras.
– Elles ne fonctionnent pas dans…
– Le journal des portiques alors. On saura exactement où était chacun cette nuit. Et c’est légal. »
Le dernier mot sortit en crachat. Reinhilde haussa les épaules et tourna les talons, suivie de Lugh. Ils traversèrent les coursives dans un silence térébrant. La cuisine se trouvait trop près du centre de pilotage pour que l’usage des nacelles se justifiât : les deux passagers étaient donc condamnés à parcourir les coursives à pied. Lugh s’était placé à quelques pas dans le dos de Reinhilde. Celle-ci sentait les cheveux de sa nuque se dresser. Se calmer. Il n’y avait aucune raison de paniquer. S’il tentait quelque chose, LaFay le signalerait, et laisserait largement le temps à sa propriétaire de réagir. Mais non. Non. C’était Lugh, dont on parlait. La seule personne incapable de mettre la table sans renverser au moins un couvert. Le seul qui avait refusé – et obtenu – de suivre le moindre entraînement martial, que ce soit au corps-à-corps ou concernant l’usage des armes à feu.
« Mais justement. Il y a toujours eu quelque chose de fragile, chez lui. Pourquoi est-ce que j’accepte de faire ça ? »
Temporiser. Ce qui se jouait au-dehors était d’une importance capitale, et elle pouvait gérer la crise d’un gringalet caractériel. Elle déglutit et allongea le pas. L’éclairage du couloir avait pris une vilaine couleur néon, celle habituellement réservée aux alertes en cycles de nuit.
Pas un mot n’avait été échangé quand les deux silhouettes pénétrèrent dans le cockpit du vaisseau. Le pilote se laissa tomber sur le fauteuil central et entama la procédure des routines de vérification. Lugh l’interrompit d’un signe de la main.
« Attends. Je veux vérifier que tu ne modifies rien. »
« Du calme. »
« Je recommence. Là. Satisfait ?
– Vas-y. »
Les mots de passe succédèrent aux protocoles de sécurité, avant que ne s’enclenche le journal des portiques. Chaque entrée de l’Ezia Polaris gardait en mémoire la signature biologique de ses passagers. En cas d’urgence, Ezia pouvait ainsi retrouver chacun d’entre eux, même s’ils se trouvaient dans l’une des phases où elle n’était pas autorisée à contrôler leurs mouvements. L’écran s’anima en graphiques qu’un mouvement de pouce de Reinhilde convertit en silhouettes colorées. Celles-ci remettaient leurs pas dans ceux de la veille. Dans le coin droit du ballet virtuel, une horloge faisait défiler le temps en accéléré. L’approche de Deux point deux, la chute des boîtes dans l’infirmerie. La préparation des rations de survie. La fête. La préparation de la navette. La nuit qui tombe. La nuit qui tombe. La nuit qui tombe. Le temps qui passe et qui s’en fout.
« Tu vois ? »
Les compteurs se figèrent implacables.
« J’ai passé la nuit dans ma chambre. Il y avait deux personnes dans la chambre de Maya. Elle et toi. Ce qui est suffisant pour que j’établisse un rapport.
– Qu’est-ce que tu as trafiqué ?
– Arrête. »
Plus la moindre trace de chaleur dans la voix de Reinhilde. Lugh leva sur elle un regard chargé de tout le mépris du monde.
« Je t’ai vue. Je vais contacter l’équipe au sol. Maya est peut-être en danger.
– Il faut que tu te reposes. Tu n’es pas dans ton état normal.
– C’est mon droit le plus strict de les appeler.
– Et mon droit le plus strict d’empêcher un membre d’équipage de nous mettre en danger. Tu as une idée de la situation dans laquelle ils sont ? Tu veux vraiment leur mettre tes délires sur le dos ?
– Je les appelle. »
Il y eut un bruit de leviers contrariés quand Lugh s’écroula sur une console auxiliaire. Reinhilde rengaina son arme en réprimant le début de tremblement dans ses avants-bras. Puis elle se baissa et, sans effort apparent, chargea le jeune homme sur son dos. Il n’y avait plus que le son de sa respiration.
Elle était seule. Seule à nouveau.
*
* *
« C’est une fonction très solitaire. Peut-être plus encore que celle de capitaine. Et absolument pas gratifiante. La preuve. Vous êtes avec moi, pas avec Daphné. »
L’homme avançait laborieusement le long de l’allée qui partageait l’Université en deux parties symétriques. Reinhilde avait déjà trébuché deux fois en tentant de caler son pas sur le sien : il lui était impossible de ralentir à ce point. Les bâtiments de verre et de béton se déroulaient avec une lenteur désespérante, et même le paysage environnant semblait s’être figé. Le vent moribond ne parvenait plus à agiter les feuilles synthétiques des arbres qui bordaient le pavé. Ça et là, quelques rares silhouettes – pas des étudiants, il n’y avait presque plus d’étudiants à l’Université – semblaient glisser le long des murs, avant d’être avalées par l’une des portes vitrées.
« Je ne fais pas ça pour la gloire, vous savez, fit Reinhilde en raidissant un peu les épaules.
– Dommage. C’est une motivation puissante, la gloire. Pourquoi le faites-vous alors, Commandant Djöring ?
– Ça me paraît évident. La Terre entière devrait se porter volontaire pour cette mission.
– Et pourtant la Terre entière ne se porte pas volontaire, répondit le bureaucrate avec un sourire las, qui découvrit une série de dents jaunâtres et parfaitement régulières. Tout le monde n’a pas votre… simplicité. »
Reinhilde eut un coup au cœur qu’elle ne chercha pas à dissimuler. Encore ce mot. Depuis ses premières classes, à Terre-Neuve. « Beau travail, soldat. Simple. Efficace. » « Encore la bonne réponse. Tout simplement. »
– Je suis si transparente que ça ?
« N’y voyez pas d’offense, reprit son interlocuteur. La plupart des humains s’invente mille excuses pour ne pas agir contre la Crise. « Je lutte à ma façon, en continuant à vivre. » « Je ferai sans doute plus de dégât en agissant sans connaître toute la situation. » ou bien ma préférée « J’ai confiance. » Bah ! Bande de couilles molles ! »
Le visage graisseux se crispa tandis qu’une quinte de toux le secouait comme de la gelée. Reinhilde vit la cage thoracique se contracter, tandis que les poumons tentaient désespérément de faire circuler l’air dans le corps obèse. Enfin, une voix tremblante reprit :
« Vous serez notre sauvegarde, Commandant Djöring. La personne qui prendra les meilleures décisions aux pires moments. Vous devrez sans doute faire face à des situations terribles : la survie de l’équipage reposera sur votre capacité à faire le bon choix.. Et personne ne vous remerciera jamais. Les remerciements ce sera pour le Capitaine. Personne ne devra connaître l’importance de votre tâche, pendant le voyage ou après. Vous pensez vraiment être capable de gérer ça ?
– C’est mon travail. »
Les trois mots étaient sortis avant qu’elle ait le temps de les formuler consciemment. Comme souvent. Reinhilde ne parlait pas sans réfléchir. Au contraire. Elle réfléchissait. Quand elle avait le temps, quand elle était seule. Le soir, avant de s’endormir. Quand la vigilance n’était plus de mise, quand les savoirs avaient été assimilés. Réfléchir avant. De façon à ce que, lorsque le moment du choix se présentait, il n’y ait aucune hésitation. La conscience en harmonie avec l’instinct. Avec l’instant. Ne laisser aucune place à l’hésitation, que ce soit pour éviter une balle sur le champ de bataille ou répondre à une question.
À ses côtés, son guide hochait maintenant la tête, pensif.
« Venant de n’importe qui d’autre, je ne le croirai pas. Mais venant de vous… »
Ils avaient atteint l’extrémité du campus, et faisaient désormais face à un vaste préau. Le gros homme parvint à ralentir encore un peu plus le pas, avant de s’arrêter tout à fait. Fouillant dans sa veste, il en tira un téléphone portable. Un modèle ancienne génération, tactile. Ses doigts boudinés dessinnèrent une série de symbole à la surface de l’écran merveilleusement large et, avec un doux soupir, le sol devant lui s’affaissa en marches régulières.
« Je pense que vous avez le droit de voir ça. »
Le couloir dans lequel ils descendaient à présent s’éclairait d’une lueur orangée. Crépuscule artificiel. Reinhilde sentait ses pas rebondir légèrement. Le revêtement sentait le plastique ; on se serait cru dans un gymnase.
« On est où ?
– Là où il faut. »
Nouvelle manipulation de portable. Une rampe de projecteurs éclaira le bout du corridor d’une lueur crue. Il y eut un hoquet de surprise. L’homme se tourna vers Reinhilde, grimaçant à nouveau son sourire jaunâtre.
« Commandant Djöring, je vous présente l’Ezia Pol aris. »
La lumière des projecteurs tombait sur des courbes de « métal ? Ce doit être du métal, ça brille. », se déployant en fluides arabesques, avant de rebondir selon les directives d’angles que l’oeil humain ne parvenait à distinguer. Reinhilde ne parvenait à comprendre si la chose était gigantesque ou minuscule. Il lui suffisait de modifier d’un iota la position de ses iris pour que sa perception change radicalement. L’espace d’un instant, il lui sembla que la chose était couchée sur le flanc, tel un gigantesque animal au repos. Mais non. Cela était impossible, elle s’étendait bien trop démesurément vers le plafond. C’était un long tissage d’argent, qui ondulait dans un souffle invisible. Une hélice ADN, déployée en corolle.
L’Ezia Polaris était vivant.
Au moment précis où cette certitude frappa Reinhilde, une sphère argentée se détacha d’un endroit du vaisseau qu’elle n’avait pas encore perçu – quand bien même il se situait au beau milieu de son champ de vision – et vint effleurer l’une des main de la femme.
Alors elle vit.
Les coursives qui se déployaient le long d’artères d’argent, dessinant la géographie complexe et délicate d’un pays en miniature. Des flux d’énergie bleutée animant des appareils aux formes insensés dont elle apprendrait bientôt l’utilisation. Un jardin foisonnant dans lequel résonnait une voix d’enfant. Le vaisseau n’était plus devant elle, mais partout où ses sens pouvaient s’étendre. Elle en était captive et vénérait sa captivité.
« Clignez des yeux. » fit une voix d’asthmatique.
Reinhilde cligna des yeux.
Le hangar. Et devant elle, un cargo stratosphérique massif, dont les finitions avaient été mieux pensées qu’à l’accoutumée. Le gros homme en caressait désormais la carlingue avec une évidente satisfaction.
« Vous serez la gardienne du temple, Commandant Djöring. Je vous le demande une dernière fois : Pourquoi embarquez-vous à bord de l’Ezia Polaris ? »
Cette fois encore, la réponse fut immédiate.
« Parce que je l’aime. »
*
* *
« Reinhilde et Lugh ne sont pas là. »
Le soupir d’Atis résonna à travers les voûtes. Regret. Il leva la main à son visage et la lumière qui entourait son poignet se déroula arabesque jusqu’à regagner le plafond où elle se perdit dans l’écume céruléenne. Maya eut un petit sourire : le fantasme de Lugh riant à travers la brume lumineuse qui emplissait la grotte dansa quelques instants devant ses yeux. Il allait adorer. Poser toutes les questions du monde : onde ou particule, inerte ou vivante, consciente, peut-être ? Pourquoi bleue ? Et pas verte ou violette ? Ce serait sa façon de célébrer le miracle. Poser toutes les questions superflues du monde. Et manquer l’essentiel.
« On les contacte ? On pourrait avoir besoin d’eux. Ne serait-ce que pour comprendre cet endroit. »
Les quatre explorateurs se tenaient dans une grotte dont ils ne pouvaient chercher à concevoir les dimensions sans éprouver un violent malaise. Elle semblait s’étendre sur des distances infinies sans que jamais le regard ne se perde dans l’immensité des arcs-de-cercle qui soutenaient un ciel de pierre envahi de vapeurs bleutées ; le même bleu que les cristaux au-dehors. Ces nuées, dès leur entrée, s’étaient dirigées vers eux. Elles semblaient obéir à des règles physiques inconnues de la science humaine. Faris s’était rapidement rendu compte qu’il était possible de les repousser ou de les attirer par un mélange de gestes, de sons et – ça lui avait pris plus de temps – de pensées conscientes. Il ne s’agissait pas vraiment de souhaiter qu’elles s’écartent. Plutôt se convaincre qu’elles n’étaient pas là. Ou l’inverse, bien entendu. Les imaginer plus denses les amenaient à s’agglutiner. Vol d’éphémères.
Se tournant vers son capitaine, Faris secoua la tête en réponse à sa question.
« Nous sommes trop loin de la navette, maintenant. Et je ne sais pas quelle aide ils pourraient nous apporter. Je n’ai pas vraiment envie d’entendre Reinhilde grogner et Lugh gâtifier.
– C’est notre officier scientifique…
– Et il analysera nos échantillons une fois que Maya aura trouvé la solution à la question.
– Je l’ai trouvée. »
Atis eut son sourire de loup. Derrière son épaule, l’ombre d’Ezia se profila.
« Je t’écoute.
– Les cratères, Capitaine.
– De quoi est-ce que tu parles ? Je n’ai pas vu de… oh. »
Les nuages scintillants s’aggloméraient désormais en ailes translucides dans le dos de la jeune femme, silhouette à contre-jour.
« Exactement. Deux point deux est une planète sans atmosphère, entourée de débris. Elle devrait être bombardée en permanence de météorites. Or, nous n’avons pas vu un seul cratère depuis l’atterrissage. Soit les trajectoires dans ce secteur défient toutes les probabilités depuis la nuit des temps. Soit…
– Les cristaux.
– Non. La brume. »
Un mouvement du poignet. La lumière se déplaça vers la paume de Maya où elle se concentra, tandis qu’une légère vibration se propageait à travers les murs, s’amplifiant lentement jusqu’à ébranler les arches de pierre. Il y eut un hurlement. Ezia était tombée à terre, la tête entre les genoux.
« Maya, arrête ! »
Atis se précipita en avant. Sa main passa à travers l’épaule d’Ezia dont la plainte ne semblait jamais devoir s’arrêter. Et puis une zébrure blanche annula tout.
« Voilà. »
La grotte avait retrouvé son silence de cathédrale. Entre les doigts de Maya, un minuscule cristal bleu brillait. Le Capitaine de l’Ezia Polaris leva sur sa co-pilote un regard furieux.
« Qu’est-ce que tu lui as fait ?
– Rien du tout. Elle n’y est pour rien, répondit une voix tremblante. »
Chancelante, Ezia s’appuyait sur Atis. Un épais voile de buée couvrait l’intérieur de son casque. De derrière la visière, un rire léger.
« Le processus d’agglomération de lumière doit interférer avec les composantes de ce corps. Ce n’était pas super agréable.
– Mais nécessaire. Cette planète est extraordinaire. »
Les pupilles enflammées, Maya souleva la gemme, l’irisant à la lumière souterraine. Lentement, Faris se dirigea vers elle.
« Ça veut dire qu’on peut se servir de cette lumière pour créer des cristaux ?
– Pas seulement. Les astéroïdes qui approchent à une vitesse suffisamment violente pour endommager l’atmosphère sont également détruits. Ils faut qu’ils représente un danger, sinon l’Ezia Polaris aurait également été pulvérisé. Avec suffisamment de temps, on doit pouvoir canaliser cette… chose en énergie. Ce qui nous amène au nœud du problème.
– À savoir ? »
Le bout de lumière tomba au sol avec un petit bruit de regret, tandis que Maya exhalait profondément.
« Ce truc ne sert à rien. Et j’ai du me concentrer comme jamais pour réussir à le former. Souhaiter consciemment qu’il existe m’a demandé une énergie folle. Je ne sais pas quelle volonté pourrait créer une protection suffisante pour désintégrer des météorites. »
Les mots se succédaient à une vitesse effrénée sur le terminal de Faris.
« Il y a des gens ici.
– Des gens, des plantes, une forme de vie. Quelque chose capable de contrôler la lumière. »
Ezia passa sa main sur l’une des parois de la grotte. Comme avec honte.
« Il n’y a pas d’autre solution ?
– Disons que c’est le plus probable, répondit Maya en se tapotant le menton. Tu ne savais pas ?
– Non. Ma prescience allait jusqu’à la grotte. Maintenant je suis comme vous. »
Le Capitaine s’éleva de la silhouette d’Atis. Parce que quatre personnes étaient perdues sur un gigantesque point d’interrogation. Parce que c’était son rôle. Parce qu’Ezia ne savait pas. Maya avait mis du temps à comprendre la phrase que Faris avait répétée des dizaines de fois depuis le début du voyage : « notre Atis devient le Capitaine ». Et plus encore la raison de ce comportement, qui était en définitive d’une redoutable efficacité. Agir selon la fonction uniquement lorsqu’Atis le jugeait essentiel permettait de ne pas trop l’user. Alors oui. Des fois on oubliait, on se moquait du type éternellement mal rasé, qui souriait trop calmement. Mais – la jeune femme le comprenait à présent – cela aussi faisait partie des chaînes secrètes qui les unissaient Sa voix résonna à l’endroit exact de la poitrine où se dissimulent les obéissances.
« On ne peut pas se permettre d’implanter la graine tant qu’on n’a pas compris. Si la prescience d’Ezia nous a amené ici, je propose qu’on approfondisse. Par-là. »
Les voûtes de pierre se multipliaient à perte de vue. Maya sentit sa poitrine mangée par une angoisse sourde.
« Si jamais on ne trouve rien de nouveau d’ici deux heures, on remonte, on campe et on avise. On a encore deux jours et demi. Et on va en profiter. »
Les jambes de la co-pilote prirent l’initiative d’elles-mêmes et suivirent Atis là où le bleu se perdait, là où l’espace s’étendait.
Là où l’erreur était permise.
*
* *
Tic tic tic.
« … De toutes façons, vous ne resterez pas toute la journée à prendre des notes. C’est une formation pratique. On va bouger, se lever. N’ayez aucune honte si vous vous mettez à pleurer, ça arrive à chaque fois et c’est tout à fait normal. »
Lugh étouffa un bâillement. Trop tôt. Beaucoup trop tôt pour une salle d’instruction, des tables alignées, des néons et des heures de discours qui déboucheraient sur un travail en groupe de personnes qui n’avaient aucune envie d’être là.
Tic tic tic.
Table de droite : un regard réprobateur. Il lui fallut quelques instants pour comprendre ; le stylo. Avec un grand sourire gêné, il cessa de tapoter la surface de son carnet et releva la tête vers l’estrade, dominée par un écran gigantesque. Triomphales, les lettres immenses :
SAUVER LE MONDE À TRAVERS LE LÂCHER-PRISE
en police dégueulasse. La bouche de Lugh prit l’initiative de parler juste assez fort pour que la situation devienne gênante :
« Oh putain on va souffrir. »
Le regard à la table de droite devint carrément hostile. De l’autre côté, un gloussement. Le jeune homme se retourna. Affalé sur sa chaise, Atis tripotait son téléphone. Son bureau était occupé par une structure improbable, composée de crayons et de bouts de gomme, qui tenaient en équilibre au mépris de toutes les lois de la physique. Au bout de quelques instants, il s’étira avec un bâillement sonore.
« T’as raison ça ne sert à rien. On se tire ?
– Ça va pas ? Tout le monde va nous voir !
– Holà. Catastrophe. »
Le Capitaine de l’Ezia Polaris se leva. Raclement métallique sur le carrelage. Lugh resta figé sur place.
« Vous ne le suivez pas ? »
La totalité de l’assistance se retourna vers lui. Daphné se tenait au centre exact de l’estrade. Les lettres du tableaux s’imprimaient sur sa figure
LE MONDE
en lettres rouges.
« Je dois ?
– Vous faites ce que vous voulez.
– Non, justement.
– Vous ne seriez pas là sinon.
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
– Vous ne vous rappelez pas ? Est-ce que quelqu’un veut bien expliquer à Lugh ce que nous faisons ici ? »
Rires complaisants dans la salle. Et une main en l’air. Petite forme en sourire, en étincelles.
« Oui ? Miryiam.
– On essaye d’assumer nos failles.
– Exactement. D’en faire un moteur plutôt qu’un obstacle. Tant que vous avez la parole ça vous dirait de donner votre diagnostic sur Lugh ? Ça nous mettra un peu en avance sur le programme de l’après-midi en plus. »
Des mains sur les épaules du jeune homme. Il sursauta. La flammèche se tenait désormais derrière lui. Elle sentait le sucré. Les fêtes auxquelles il n’osait pas se rendre.
« Il a envie de bien faire, le lapinet. Et ça le mange de l’intérieur. Il a l’impression de devoir être le mortier entre tous les cinglés qu’on a envoyé pour sauver la Terre. Ça doit lui mettre une pression sur les épaules… Du coup, de temps en temps, il pète un plomb.
– Bon… Quelqu’un a-t-il envie de rebondir ce qu’a dit Miryiam ? M. Brennan. »
Frederic Brennan ne se levait plus depuis qu’un accident de voiture, vingt-six ans plus tôt, l’avait parqué dans un fauteuil roulant. Un infirmier poussa le véhicule sur l’estrade. Quelques applaudissements retentirent.
« Je pense qu’il aurait dû attendre avant de parler à Reinhilde. Je veux dire, ça fait combien de temps qu’il est sur le vaisseau ? Trois ans ? Il doit bien se douter que tout la partie est truquée… Lui aussi il sait des trucs que les autres ignorent et…
– C’est grotesque. »
Pour donner plus de poids à son interruption Lugh se leva brusquement. Le bord de son bureau lui cogna contre les genoux et il poussa un juron.
« C’est grotesque. Vous ne pouvez rien m’apprendre. Tout ça est dans ma tête. Je suis dans un caisson à bord de l’Ezia. On n’avait pas besoin d’en arriver là. »
Rire kérosène de Miryiam.
« Bien sûr que si. Tu es bloqué, lapinet. Ça fait trop longtemps que tu gratouilles tes névroses, alors que tu peux apprendre. Mais faut que tu te lâches.
– Origami. »
Daphné s’était assise sur l’accoudoir du fauteuil roulant où siégeait Frédéric. Elle pliait soigneusement une feuille de papier blanc.
« C’est toujours pareil. Nous sommes tous… pliés. À force de changer, de se parler, nous oublions… des parties de nous mêmes. Cachées. Et dans cet équipage, vous faites une belle bande… d’origamis. »
Elle déplia son ouvrage, une ribambelle de silhouettes grossièrement stylisées. Un large trou avait été percé au niveau de la poitrine.
Lugh ricana :
« Donc c’est ça, la désactivation. Une séance de développement personnel.
– Lugh… »
Il y avait une légère note de déception dans la voix de vieille soie.
« Prenez ça comme une chance. Un moment de réflexion, avec des gens qui ne veulent que votre bien.
– Et moi qui me demandait ce que les œuvres complètes de Freud foutaient dans les favoris de la bibliothèque.
– C’est votre papa qui vous gêne ? On enlève votre papa. »
Le visage de Frédéric Brennan vira au violacé tandis que sa bouche s’arrondissait en un hurlement muet. L’instant suivant, il ne restait plus de lui qu’un petit nuage de fumée que Daphné dissipa d’un geste de la main, avant de reprendre :
« On va se mettre au boulot. Regardez. »
Doigt pointé vers le tableau. Lettres rouges, police dégueulasse.
QUE FAISAIT EZIA DANS LA CHAMBRE DE MAYA LA NUIT DERNIÈRE ?